Mur

Publié le par Jacquette

Non, décidément, ça bloque, ça coince, ça refuse de voir plus loin, les mots semblent si impuissants, enfin plutôt comment dire, et quoi dire, qui ne soit noirceur, réticence, aveuglement négatif, obstinément vain et désespérant…Sans culture, sans stimuli, sans échange, sans désir, sans rencontre, sans sens sensé et sensuel…

Rude épreuve, pourtant ni les bombes ni la faim (quoique…) ne nous menacent, simplement plus d’accord sur rien, ni sur l’essentiel ni sur le délicieux superflu...Il y a un mur qui se dresse, et nous n’arrivons plus à imaginer ce qu’il y a derrière, le mur est si haut et si compact, les infos contradictoires s’accumulent, et le mur s’épaissit, on n’a plus que ça sous le nez, on pense « mur », on vit murés, on s’emmure et s’ennuie et s’angoisse, murmures et rumeurs nous ont muselés peu à peu, jusqu’aux limites de l’acceptable…

Pourtant si, ça parle, des violences, des agressions sexuelles, des viols, des incestes, de l’intime le plus secret, le plus étouffé, monte cette parole libératrice et en même temps sidérante, oui, ça arrive, qu’un prêtre tripote les enfants, qu’un père tripote ses enfants, qu’un homme de pouvoir tripote ses assistantes, il n’y a pas que les actrices, les chanteuses, ces femmes de « spectacle » dont on pense parfois méchamment « qu’elle a dû s’allonger pour arriver si loin », dirait on la même chose d’un homme ? Peu importe, ça parle du fond des secrets bien gardés, des hontes et des traumatismes tus, et c’est un pas contre le mur quand même….

Ne pas se résigner à rester muselé donc….

En regardant la fameuse série « En thérapie », magnifiquement écrite entre autres ( il semblerait que les deux scénaristes,David Elkaïm et Vincent Poymiro, ne soient quasiment jamais cités par les journalistes, tous obsédés par le duo vedette de réalisateurs, il faudrait un metoo des scénaristes !) je réalise que la soirée mortifère du bataclan, c’était il y a seulement cinq ans, alors que ça me semble être tellement une autre époque ! A peine un an de pandémie internationale et de confinement en dé-confinement reconfinés, le sens du temps qui passe semble bouleversé, pour ma part en tout cas. Bien qu’habitant Paris et passant régulièrement dans ce quartier, j’ai eu comme un choc de me rendre compte de l’ obnubilation dans laquelle nous sommes plongés, de cette suspension du temps, qui personnellement me paralyse totalement l’esprit. C’est comme si cette vie là avait été oubliée, les cafés aux terrasses débordantes, les concerts, une forme d’insouciance qui fut, une première fois, assassinée symboliquement, et que nous avons tenté depuis de réanimer, encore et encore, dans un vertigineux déni peut être ….

J’ai éprouvé une sorte de culpabilité en sentant cet éloignement inconscient, ce presque  « effacement » de mon esprit, sans doute aussi parce que cet événement tragique a quelque chose d’insurmontable, d’inacceptable, et que pourtant, on l’endure , on le digère, on continu à aimer traîner en terrasse et se presser dans une salle bondée et saturée de basses…Sauf que non, nous n’avons plus cette liberté, ce choix là, c’est tous tout seul dans son coin…

Même si je suis peu attirée par la foule et la fête à tout prix, j’aime sentir, savoir, qu’il est possible de se coller gentiment tous ensemble, pour danser, manifester, chanter, rigoler, l’essentiel étant d’avoir le choix, et encore plus le droit , de se lâcher ensemble ou pas !

Mur

Publié dans Humeur, socièté, existence

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