Sous terre, vers le ciel
Il y a des explosions
si fortes qu’on va devenir
tous sourds peut être.
Ça vibre dans la terre.
Pas tombé loin marmonne
l’un tandis qu’on soupire.
Pas sur nous, pas encore.
Dans le noir on voit
comme les chats, la peur,
la fatigue, l’angoisse.
Les petits dorment, jouent,
pleurent lorsque la faim
les taraude trop.
Nous sommes des taupes,
des vers de terre, des lombrics
enfouis dans les sous-sols.
On attend on ne sait quoi,
le prochain repas,
les quelques minutes dehors
à moins dix, mais l’air,
la lumière font du bien.
Quelques uns allument un brasero,
réchauffent une soupe, de la kasha.
Quand on mange
on se tait, on profite.
Se laver, pisser et plus
devient une aventure.
On se raconte des histoires,
on dort, on dort beaucoup.
Certains vont chercher de la nourriture,
du bois, des couvertures.
Tous ont froid, faim,
mais on s’habitue.
Même les bombardements
ne font plus aussi peur.
J’entends des voix.
Ceux sont les anges
qui se dressent vers le ciel.
Je suis enveloppé
par un azur tiède.
Oh les voix sont si belles§
Vraiment des anges
ou des filles aux cheveux d’or.
Leurs voix si hautes,
cristallines, légères,
sont un édredon de plumes
sur lequel je me blotti.
Il s’élève vers le bleu
-les couleurs de mon pays !
Le jaune du soleil
m’enveloppe tel un linceul.
Le piano de Mariana joue
un air si beau et si pur !
J’en ai les larmes aux yeux !
Puis les voix reprennent
de plus en plus aïgues
j’en ai mal aux oreilles
Du sang coule de ma bouche
Je voudrai chanter aussi
mais le son vrille si haut,
mes tympans se déchirent !
Quelle légèreté, quelle beauté !
Me voilà flottant loin
de la cave, de la guerre,
je ne ressens plus rien.
Comme une extase.
Puis c’est le silence. La nuit.