Des mondes séparés
Pas de poésie imaginable le long du couloir
avec sa rampe pour s’appuyer, se tenir debout
Un univers de femmes en blanc
presque toutes à la peau sombre
Chariot de linge, désinfectant, plateaux repas
Des chambres surchauffées et impersonnelles
Les bouquets de fleurs artificielles
Les photos décoratives de beaux endroits, d’ailleurs
où on ne pourra plus jamais aller.
On entend des cris d’enfants à l’heure de la récréation
alors que la seule vue est une cour d’immeubles
avec quelques buissons verts et des sièges de jardin
pour les visiteurs durant la demie-heure de soleil
qui paraît quelques fois
Tu sors de la bulle aseptisée
les lèvres desséchées par le masque
Dehors il y a des cafés, des commerces,
des gens qui s’affairent, une vie
qui ne pénètre pas dans le cocon beige
où tu essaies d’amener un peu d’échange,
de contact, d’humour à ton amie
emprisonnée par son corps en souffrance
On ne peut pas penser à l’avenir
C’est un mur, un trou, un silence
Un non-dit, un impensé
comme disent les intellectuels
Impensable surtout
Dans le métro une affiche
pour un rendez vous sportif
femmes et hommes souriant toutes dents dehors
presque féroces et fiers tels des pitbulls
les muscles bandés, le regard altier.
Sur le banc dessous somnole un type,
un vieillard en bonnet range son sac.
Des « sans-dents » et sans sourire vainqueur,
un autre monde décidément.