Cette étrange douceur ....

Publié le par Jacquette

Cette étrange douceur ....

Cette étrange douceur, 8° à 12°, début décembre, vent, pluie, ciel bas, éteindre les radiateurs, enlever son pull, sortir tête nue dans les bourrasques, oui c'est étrange, on sent, on pressent que ce n'est pas très normal, mais "les moyennes de saison",  on ne sait plus trop ce que cela peut vouloir signifier...

Une grosse pluie s'abat sur les vitres, plutôt un orage perdu dans l'hiver, ça rince mais ne rafraîchit pas, et ce vent toujours...C'est la banquise qui fond et nous rejoint ?

Coïncidence, hasard, signe des temps, je relis un roman de Valentine Goby, intitulé "Banquises", qui évoque la vie bouleversée des habitants du Groenland, je découvre le beau livre de photos et de textes poétiques de Sandrine Cnudde, "Dans la gueule du ciel", puis nous voilà un soir, traversant Paris en moto et toujours cette douceur étrange, pour le concert d'une chanteuse originaire du grand nord Canadien, Elisapie, ambiance décontractée au Centre Culturel Canadien, les agents de sécurité sont tout sourire, et l'on rentre même si on ne trouve pas nos noms sur la liste d'invités.

Plongée dans le ciel trop grand et le froid pas assez froid, la banquise qui craque et fond, se transforme en soupe ,les chiens de traîneau qu'on abat parce qu'il n'y a plus de chasse ou de pêche possible, donc plus rien pour les nourrir, la terre nue autour des maisons abandonnées sur la côte, la langue claquée pleine de T, K , Q, Tasiilaq, Ammanssaliq, Ikkatteq, Kulusuk...Le chant ventral si typique de la tradition Inuite, un mélange de halètements et sons gutturaux proprement "inouïs"!

Un peuple disparaît lentement, plus que les boîtes de conserves pour se nourrir, plus de peau à coudre ou à broder de perles le soir à la veillée, plus de courses folles sur la banquise qui reliait les territoires, pour chasser le phoque, odeurs  de poissons, d'entrailles pourries, de pisse de chien , quand la glace fond c'est aussi les déchets qui remontent, odeurs de mort. On se calfeutre chez soi pour regarder la télé et partager des bières... Cernés par l'eau, sans ressources, sans possibilité de se déplacer hormis en bateau, les motos neige rouillent. Les gars jouent au foot , les enfants adorent le trampoline, un peu de pêche quand les capelans ont la bonne taille... Pas un arbre, aucune culture possible, il faut tout importer, même les maisons sont livrées en bateau du Danemark, il n'y a pas de " propriété de la terre"....

 

Beauté d'une nature en voie de disparition, les grands icebergs dérivent, les ours blancs sont piégés, pendant que les touristes prennent des photos à bord des brise-glaces, car le tourisme aussi fragilise ce milieu en pleine mutation, mais le tourisme ça fait un peu d'argent...

Les jeunes émigrent en Scandinavie, au Canada, on vend dans les boutiques d'aéroport des figurines de phoques, d'ours, de baleines fabriquées par le peuple Inuit, ou en Chine qui sait....

Le changement climatique c'est cela aussi, la destruction lente et inexorable d'une culture et d'un mode de vie impossible à maintenir.

Dans la gueule du ciel- Sandrine Cnudde- éditions Light Motiv

Banquises- Valentine Goby- le livre de poche

Elisapie- The ballad of the runnaway girl- Yotanka-(distribution chez Pias)

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