Delphine Seyrig en Tram la nuit

Publié le par Jacquette

J’ai fait un grand voyage dans la nuit précoce de l’hiver, de ma banlieue est au nord ouest de paris, un circuit peu fréquenté par les privilégiés, on va dire. C’était une sorte d’expédition pour l’ours en pleine hibernation que je suis en ce moment, au milieu des lumières et des surfaces de verre aux reflets agressifs, sur les boulevards de ceinture lacérés de barricades de chantier, de grues géantes, de zones commerciales bétonnées, de bâtiments énormes et transparents où les open spaces sont de petits spectacles de solitude partagée, esplanades et lampadaires éclairant le vide.

Grand voyage en transport en commun hors sous sol, avec deux changements laborieux, dont une équipée westen à la Porte de la chapelle, avec CRS en armes(on est en guerre?) au milieu d’un carrefour blindé de voitures, des tours immenses dont l’une  pratique l’humour avec un néon rouge tout en haut stipulant « life ‘s good », tandis que des silhouettes errent discrètement autour de l’entrée du camp de migrants ouvert par la mairie de Paris . Je cherche un arrêt de bus dans cet immense chaos de bagnoles, de barrières, de recoins quasiment plongés dans le noir où se blottissent quelques petits groupes silencieux et résignés.

Toute l’expédition m’a pris une heure trente, puisque j’ai raté le bus en question, qui m’a filé sous le nez avant que j’ai pu l’atteindre (pas de mouvement brusque devant les fusils des CRS!)

Le voyage a commencé sans moi au théâtre," Saïgon ", ses larmes et sa mélancolie sentimentale semblait à peine moins dépaysant que ce périple urbain.

 

J’ai découvert une station du tram au nom de « Delphine Seyrig », ça m’a semblé assez surréaliste, qui dans ce tram du nord de Paris, connait Seyrig ? A mon avis personne, trop jeunes et trop loin de cette culture cinéphile, une bouffée de souvenirs m’enveloppe, son beau phrasé et sa voix au timbre si particulier, son visage hiératique, l’univers de Duras, Resnais, Ackerman, « la bête dans la jungle »...Il y a aussi la station « Rosa Parks », « Ella Fitzgerald », « Colette Besson », une idée de Delanoë de baptiser les arrêts du tram parisien de noms de femmes célèbres. En tout cas «Delphine Seyrig » m’aura fait rêver un moment, je me demande ce qu’elle aurait pensé de cet hommage un peu...dérisoire et beau à la fois.

Enfin, lorsque j’attends au retour le dit tram vers minuit, j’entends des chants d’oiseaux (non, je ne suis pas alcoolisée!) sans doute planqués dans les quelques arbres déplumés qui ont échappés au béton, Porte d’Aubervilliers, une petite épiphanie nocturne qui fait du bien.

Delphine Seyrig en Tram la nuit

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