Le Mali au musée

Incroyable : un rayon de soleil, un bout de ciel bleu, après quelques litres d’eau tombés avec ardeur ce matin, mais c’est un miracle ! Ça y est, je me souviens qu’aujourd’hui, notre sémillant président, après avoir foudroyé les anglais par ses propos toujours si éclairants (un fantasme de Tony Blair à la française?), notre tendron tranchant donc, reçoit ce jour les plus grands patrons d’entreprises mondiales, dans son, pardon, notre château de Versailles, afin de les convaincre d’investir en France. Notre Seigneur, pardon président, a des supers pouvoirs c’est bien connu, donc il y a eu une éclaircie en notre petit royaume de France. Tiens je me rappelle avoir lu quelque part cette constatation : cette année, les plus riches concentrent 82 % ...de quoi ? des bénéfices de la croissance économique : il y a UNE CROISSANCE ECONOMIQUE quelque part, l’avez vous vu passer par ici ? Non, c’est 82 % des bénéfices de l’économie («  des richesses créées ») profite à 1 % de la population la plus riche, bref , enfin on a compris, si il y a une embellie , c’est pas pour le pékin moyen, ni le paysan malien, ni le type qui va perdre son emploi pour que son entreprise investisse dans du matériel, des robots par exemple...

Bon, j’espère que Brigitte nous jettera quelques brioches avant que la pluie revienne (la réunion doit être finie, je vois le ciel s’assombrir, mais bon je suis loin de Versailles, faut dire…)

Le 16 janvier on décapitait le roi, mais les privilèges n’ont pas disparus pour autant, Les ors sont républicains, mais toujours réservés aux nantis….

Enfin pluie et repluie et ciel bas, peu importe, nous avons pu nous régaler de la musique traditionnelle malienne interprétée par le trio Da Kali, virtuose du Balafon, jeune prodige du n’goni et chanteuse à la voix d’or, dans la salle de concert du musée Branly, nos hôtes ont réchauffés nos coeurs et ont remerciés la France pour son aide contre les djihadistes. Il n’y avait guère d’africains dans la salle, public blanc age moyen 50 à 70 ans, mais plutôt enthousiaste, certains prêts à venir danser sur scène, mais on ne rigole pas ici, le concert est enregistré pour ARTE, pas de débordement. Si vous avez besoin de chaleur et d’authenticité, je vous conseille de vous faire une séance de Da Kali en préparant un mafé (ça tient au corps, idéal pour l’hiver français).

Mais n’y a t il pas un petit air de colonisation dans cette admiration pour le « folklore », dans un musée des « arts premiers », genre ici on tolère l’exotisme, mais pas question de venir vous installer ici, chacun chez soi… ? Les africains ne vont pas trop au musée peut être, venus en France pour fuir misère, dictature et guerre, beaucoup sont là pour sauver leur avenir, gagner de l’argent pour la famille restée au village( le cas de beaucoup de maliens entre autres), reconstruire leur vie après des épreuves assez terribles pour la plupart, ne l’oublions pas.

De plus, une partie des œuvres de ce musée appartient aux Africains, elles ne sont pas exposées nécessairement avec leur consentement , et l’on sait que les œuvres d’art primitif sont parfois issues de vols, trafics et autres origines contestables. Vaste débat, en cours d’ailleurs pour le Bénin par exemple, qui demande la restitution d’une partie de son patrimoine par la France.

Pour positiver, il faut préciser que les concerts sont très peu chers à Branly, le dimanche à 17h en général, idéal pour les travailleurs, la sortie en famille, même si on habite loin du 16éme, avec le billet on peut visiter les collections avant le concert, c’est même gratuit pour les demandeurs d’emploi, comme l’entrée du musée, comme le centre Beaubourg, le musée Rodin, le jeu de Paume, le palais de Tokyo….

Tout n’est pas pourri au royaume de France, allez ! Si vous n’avez plus de boulot, parce que « La compétitivité » vous a tué, vous avez du temps, c’est un petit avantage, petit mais précieux.

Porto Novo, Bénin